mercredi 30 novembre 2016

Chapitre 3 De la cour, et de la manifestation des sentiments par signes et actes extérieurs.


Un homme pauvre, doué de bonnes qualités, un homme né
d’une famille de bas étale et doué de médiocres qualités, un
voisin riche, et un homme sous a dépendance de son père, de
sa mère ou de ses frères, ne doivent pas se marier sans avoir
eu soin de se faire aimer et estimer de la fille, dès son enfance.

Ainsi un garçon séparé de ses parents et qui vit dans la maison
de son oncle essaiera de gagner la fille de son oncle, ou
quelque autre fille, lors même qu’elle aurait été précédemment
fiancée à un autre. Et cette façon de gagner une fille, dit Ghotakamukha,
est irréprochable, parce qu’on peut ainsi acquérir
Dharma, aussi bien que par toute autre espèce de mariage.
Lorsqu’un garçon aura de la sorte commencé à courtiser la
fille qu’il aime, il passera son temps avec elle et l’amusera par
différents jeux et divertissements convenables à son âge et à sa
condition, tels que de cueillir et de rassembler des fleurs, tresser
des guirlandes de fleurs, jouer le rôle de membre d’une famille
fictive, faire cuire des aliments, jouer aux dés, aux cartes,
à pair ou impair, à reconnaître le doigt du milieu, aux six
cailloux, et autres jeux semblables qui pourront être en faveur
dans le pays et plaire à la jeune fille.

Il organisera, en outre, d’autres jeux auquels participeront plusieurs personnes, tels
que de jouer à cache-cache, aux graines, à cacher des objets
dans différents petits tas de blé et à les chercher, à colin
maillard ; et divers exercices gymnastiques ou autres jeux de
même sorte, en compagnie de la jeune fille, de ses amies et de
ses servantes.

L’homme devra aussi marquer une grande bienveillance
pour telle ou telle femme que la jeune fille jugera
digne de confiance, et il fera aussi de nouvelles connaissances ;
mais, avant tout, il s’attachera par son amabilité et par de
petits services la fille de la nourrice de sa préférée :

car, s’il peut la gagner, lors même qu’elle viendrait à deviner son dessein,
elle n’y mettra pas obstacle, et pourra plutôt faciliter
l’union entre la jeune file et lui.

Et, tout en connaissant son véritable
caractère, elle ne cessera de parler de ses bonnes qualités
aux parents de la jeune fille, sans même Qu’il l’en ait priée.
L’homme fera donc tout ce qui sera le plus agréable à la
jeune fille, et il lui procurera tout ce qu’elle peut désirer de
posséder. Ainsi il lui donnera des jouets que la plupart de ses
compagnes ne connaîtront pas. Il pourra aussi lui faire voir une
boule revêtue de diverses couleurs, et d’autres curiosités de
même sorte ; il lui donnera des poupées en drap, en bois, en
corne de buffle, en ivoire, en cire, en pâte ou en terre ; des ustensiles
pour cuire les aliments, des figurines en bois, telles
qu’un homme et une femme debout, une paire de béliers, de
chèvres ou de moutons ; aussi des temples en terre, en bambou,
en bois, consacrés à différentes déesses ; des cages à perroquets,
coucous, sansonnets, cailles, coqs et perdrix ; des
vases à eau de formes élégantes et variées, des machines à lancer
de l’eau, des guitares, des supports à images, des tabourets,
de la laque, de l’arsenic rouge, de longuent jaune, du vermillon
et du collyre ; enfin du bois de santal, du safran, des
noix de bétel et des feuilles de bétel. 





Il lui donnera ces choses
à différentes fois, lorsqu’il aura une bonne occasion de la rencontrer,
et quelques-unes en particulier, quelques unes en public,
selon les circonstances. Bref, il essaiera par tous les
moyens de lui persuader qu’il est prêt à faire tout ce qu’elle
désire.

Ensuite il obtiendra d’elle un rendez-vous dans quelque endroit
retiré, et alors il lui dira que, s’il lui a donné des présents
en secret, c’était dans la crainte de déplaire à ses parents et
aux siens ; il ajoutera que ce qu’il lui a donné, d’autres
l’avaient grandement désiré. Lorsque la jeune fille lui paraîtra
l’aimer davantage, il lui racontera des histoires amusantes, si
elle en exprime le désir. Ou bien, si elle prend plaisir aux tours
de main, il l’émerveillera par quelques bons tours de passepasse
; ou, si elle semble très curieuse de voir un essai des différents
arts, il lui montrera son adresse à les pratiquer. Si elle
aime le chant, il lui fera de la musique ; et, à certains jours,
lorsqu’ils iront ensemble aux foires et festivals de clair de lune,
ou lorsqu’elle rentrera chez elle après une absence, il lui offrira
des bouquets de fleurs, des ornements de tête et d’oreilles,
des anneaux, car c’est en pareilles occasions que se doivent
faire ces présents.

Il enseignera aussi à la fille de la nourrice, dans leur totalité,
les soixante-quatre moyens de plaisir pratiqués par les
hommes, et, sous ce prétexte, il lui fera connaître combien il
est habile dans l’art de la jouissance sexuelle. Pendant tout ce
temps il portera un habit élégant et aura aussi bel air que possible,
car les jeunes femmes aiment les hommes qui vivent avec
elles et qui sont beaux, bien tournés et bien habillés. Quant à
dire que, tout en ressentant de l’amour, les femmes ne font pas
elles-mêmes d’efforts pour conquérir l’objet de leur affection, il
serait oiseux d’insister là dessus.

Maintenant, voici les signes et actes extérieurs par lesquels
se trahit invariablement l’amour d une jeune fille :

Elle ne regarde jamais l’homme en face, et rougit lorsqu’il la
regarde ; sous un prétexte ou un autre elle lui fait voir ses
membres ; elle le retarde secrètement lorsqu’il s’éloigne
d’elle ; baisse la tête lorsqu’il lui fait une question, et lui répond
par des mots indistincts et des phrases sans suite ; se
plaît à rester longtemps dans sa compagnie ; parle à ses servantes
sur un ton particulier, dans l’espoir d’attirer son attention,
lorsqu’il se trouve à une certaine distance ; ne veut pas
quitter le lieu où il est ; sous un prétexte ou sous un autre le
fait regarder différentes choses ; lui raconte des fables et des
histoires très lentement, de manière à prolonger la conversation
; baise et embrasse devant lui un enfant assis sur ses genoux
; dessine des marques ornementales sur le front de ses
servantes ; exécute des mouvements vifs et gracieux lorsque
ses servantes lui parlent gaiement en présence de son amoureux
; se confie aux amis de son amant, leur montre respect et
déférence ; est bonne pour ses domestiques, cause avec eux,
les engage à faire leur devoir comme si elle était leur maîtresse,
et les écoute attentivement lorsqu’ils parlent de son
amant à quelque autre personne ; entre dans sa maison
lorsque la fille de sa nourrice l’y invite, et, par son assistance,
s’arrange pour causer et jouer avec lui ; évite d’être vue de son
amant lorsqu’elle n’est pas habillée et parée ; lui envoie, par
l’entremise de son amie, ses ornements d’oreilles, son anneau
et sa guirlande de fleurs, suivant le désir qu’il aura exprimé de
les voir ; porte continuellement quelque objet qu’il peut lui
avoir donné ; montre de la tristesse quand ses parents lui
parlent d’un autre prétendu, et ne se mêle pas à a société des
personnes qui prennent parti ou soutiennent les vues de ce
dernier.

Il y a aussi, sur ce sujet, quelques versets dont voici le texte :

« Un homme qui s’est aperçu et s’est rendu compte des sentiments
d’une fille à son égard, et qui a remarqué les signes et
mouvements extérieurs auxquels on reconnaît ces sentiments,
doit faire tout son possible pour s’unir avec elle.

Il doit s’attacher
une toute jeune fille par des jeux enfantins, une demoiselle
plus âgée par son habileté dans les arts, et une fille qui
l’aime en ayant recours aux personnes qui ont sa confiance. »

 Bientôt


Chapitre 4


Des choses que l’homme doit faire seul pour


s’assurer l’acquisition de la fille ; pareillement,


de ce que doit faire la fille pour dominer


l’homme et se l’assujettir.

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